L’Europe est l’un des marchés cosmétiques les plus dynamiques au monde, alimentée par une demande croissante pour des ingrédients clean et naturels. En 2023, l’Europe représentait près de la moitié des importations mondiales d’huiles essentielles et végétales (48%), selon le CBI (Centre néerlandais de promotion des importations en provenance des pays en développement). L’Europe de l’Ouest, plus particulièrement avec ses marchés matures et son pouvoir d’achat élevé, offre de nombreuses opportunités aux exportateurs d’ingrédients naturels.
Afin de mieux comprendre la demande croissante pour les ingrédients naturels en Europe, le CBI a mené une étude. Cet article vise à explorer et à mettre en évidence les données et informations clés de cette étude.
Selon le registre officiel des ingrédients cosmétiques de l’UE (COSING), des milliers d’ingrédients cosmétiques sont considérés comme naturels. Ils sont classés en trois grandes catégories : les graisses et huiles végétales, les huiles essentielles et les extraits botaniques.
Toutefois, obtenir des données précises sur l’importation et l’utilisation de ces ingrédients reste complexe en raison de leur usage dans d’autres secteurs, notamment l’alimentaire.
Cosmétiques en Europe : vers une transition durable et une demande croissante d’ingrédients naturels
L’Europe est l’un des plus grands marchés mondiaux des cosmétiques, avec une valeur de 96 milliards d’euros en 2023. L’Europe ne se contente pas de consommer des ingrédients naturels, elle joue aussi un rôle clé dans leur production et leur exportation à l’échelle mondiale.
Au côté de l’Amérique du Nord, l’Europe domine le marché des cosmétiques naturels et biologiques. À eux deux, ils représentent plus de 80% des ventes mondiales, avec une prévision de croissance de 5,7% annuelle jusqu’en 2028.
La tendance vers la durabilité est désormais omniprésente et à toutes les étapes du cycle de vie des produits cosmétiques. Ce qui était une tendance par le passé, est aujourd’hui une norme. En 2023, plus de la moitié des nouveaux produits lancés au Royaume-Uni mettaient en avant des engagements éthiques et environnementaux.
Les entreprises se tournent vers des pratiques plus durables, soutenues par des régulations européennes telles que le Green Deal et la Stratégie chimique pour la durabilité. Cette évolution renforce l’importance des certifications comme COSMOS, le label Slow Cosmétique (attribué avant la fermeture de l’association l’année dernière) ou encore la certification B Corp.
En 2023, l’Europe représentait 48% du volume mondial des importations d’huiles végétales et d’huiles essentielles, ingrédients clés dans la formulation cosmétiques. Les pays en développement jouent un rôle majeur, avec des importations provenant principalement de la Chine, de l’Inde ou du Ghana.
Les marchés européens les plus porteurs pour les ingrédients naturels
France : forte dépendance aux importations d’huiles essentielles et végétales et essor de la clean beauty
En 2023, la France était le plus grand importateur d’huiles végétales et essentielles en Europe.
Elle a importé un total de 291 millions d’euros d’huiles essentielles, représentant ainsi 19% des importations européennes. Il est intéressant de noter que 69% de ces importations provenaient de pays en développement.
La même année, les importations d’huiles végétales ont totalisé 235 millions d’euros, représentant 16% du volume total des importations européennes. Environ 23% de ces importations provenaient de pays en développement, avec le Maroc, le Burkina Faso et le Pérou comme principaux fournisseurs.
Ces chiffres mettent en évidence la dépendance de la France vis-à-vis des marchés non européens pour ses ingrédients naturels.
Le pays compte également le plus grand nombre de PME cosmétiques en Europe, principalement des indies brands. Ces dernières, animées par des valeurs environnementales fortes, portent également un grand intérêt pour la clean beauty et les ingrédients naturels.
La France est également un leader mondial dans l’exportation de cosmétiques. Si les parfums sont les produits les plus exportés en volume, le maquillage et les soins du visage figurent en tête en valeur, avec 11 milliards d’euros exportés en 2024.
En 2023, la valeur du marché des cosmétiques naturels en France enregistrait une croissance annuelle moyenne de 4,9%. Le secteur devrait atteindre 394 millions d’euros d’ici 2028, grâce à l’élargissement des canaux de distribution (plus particulièrement l’e-commerce) et la demande accrue pour des produits cosmétiques durables.
Pays-Bas : plateforme logistique et centre de raffinage pour les huiles végétales
Les Pays-Bas occupent une place moins importante sur le marché des huiles essentielles, avec une demande en baisse entre 2019 et 2023. Toutefois, le pays reste une opportunité intéressante pour les fournisseurs d’ingrédients naturels et plus particulièrement en ce qui concerne les huiles végétales.
Le pays joue un rôle clé dans le commerce des ingrédients naturels, grâce au port de Rotterdam qui est le plus grand d’Europe. Les Pays-Bas figurent parmi les trois plus grands importateurs mondiaux d’huiles végétales, dont 51% proviennent de pays en développement tels que le Ghana, la Chine ou le Burkina Faso.
Le marché des cosmétiques aux Pays-Bas devrait continuer à croître, avec une progression attendue de 2% par an au cours des cinq prochaines années.
On y trouve également des raffineries d’huiles végétales qui offrent des services de raffinage sur mesure, une opportunité en or pour les fournisseurs qui souhaitent traiter leurs huiles localement.
Allemagne : un marché de 15,8 Md€ porté par la G Beauty et des consommateurs très exigeants
Avec plus de 84 millions d’habitants, l’Allemagne est le pays le plus peuplé de l’Union européenne, ce qui soutient une forte demande pour les produits cosmétiques. C’est également le plus grand marché des cosmétiques en Europe, avec une valeur estimée à 15,8 milliards d’euros en 2023.
Cette position de leader ne se limite pas à la taille du marché : elle s’appuie aussi sur une expertise reconnue qui a donné naissance à la G Beauty. Elle se distingue par une approche rigoureuse qui combine innovation scientifique, formules épurées et qualité des ingrédients. Plutôt que de multiplier les produits, elle privilégie des soins efficaces et une transparence totale, incarnée par des marques comme Augustinus Bader et Dr Barbara Sturm.
L’Allemagne a importé 101 millions d’euros d’huiles végétales en 2023, malgré une baisse annuelle moyenne de 10%. Le pays est aussi un importateur majeur d’huiles essentielles avec 138 millions d’euros de produits achetés à l’étranger.
La durabilité est un enjeu clé pour les Allemands, avec plus de 70 % de la population qui en tient compte lors du choix de leurs cosmétiques et produits de soins. De plus, près de 60% se préoccupent de la traçabilité des ingrédients.
La demande pour des produits sans substances nocives, comme les parabènes, les silicones ou les microplastiques est en hausse.
Royaume-Uni : entre croissance des soins naturels et complexité réglementaire post-Brexit
Le Royaume-Uni est le quatrième marché des cosmétiques en Europe, évalué à 10,9 milliards d’euros en 2023, avec une croissance de 9,7%.
À l’échelle nationale, l’industrie des soins personnels (incluant coiffure, esthétique et retail) a contribué à hauteur de 27,2 milliards de livres sterling au PIB britannique en 2023, en hausse de 11 % par rapport à 2022.
Le Royaume-Uni est un important importateur d’huiles essentielles, avec 108 millions d’euros en 2023. Par ailleurs, ses importations d’huiles végétales ont augmenté de 4,7 % par an en moyenne.
Le secteur des cosmétiques biologiques et naturels a connu une croissance annuelle de 9,5% au cours des cinq dernières années.
Le Brexit a eu un faible impact sur le commerce des cosmétiques, bien que la législation britannique REACH augmente les coûts d’enregistrement des produits chimiques. La législation exige des entreprises qu’elles enregistrent leurs substances chimiques pour pouvoir les commercialiser sur le marché britannique. Ainsi, les entreprises cosmétiques souhaitant distribuer leurs produits au Royaume-Uni doivent anticiper ces coûts additionnels.
Les ingrédients à fort potentiel sur le marché européen
La demande européenne d’ingrédients naturels pour les cosmétiques augmente depuis plusieurs années. Cette tendance a été amplifiée par la pandémie de COVID-19, qui a recentré les priorités des consommateurs sur la santé et le bien-être holistique.
Bien qu’il soit difficile de quantifier précisément cette demande, le classement publié par in-cosmetics Global (salon européen de référence dédié aux ingrédients cosmétiques), offre un aperçu précieux de l’intérêt des professionnels pour certains ingrédients.
Il met en lumière une demande croissante portée à la fois par les consommateurs et les fabricants. Cette double demande stimule l’ensemble de la chaîne de valeur, de la production d’ingrédients jusqu’à la formulation finale.
Les industriels recherchent des solutions innovantes, conformes aux exigences réglementaires européennes comme le Green Deal, et aux certifications reconnues (COSMOS, B Corp).
Avec 78% des visiteurs qui ont exprimé un intérêt pour les ingrédients et matières premières, les ingrédients naturels sont au cœur des préoccupations des professionnels. Ces chiffres montrent les opportunités majeures pour les exportateurs de proposer des produits de qualité, respectant les normes européennes strictes et répondant aux besoins variés des formulateurs (actifs innovants, huiles végétales, extraits botaniques).
Plus de la moitié ont manifesté un intérêt pour les ingrédients actifs (59%). Ces ingrédients sont recherchés pour leurs effets ciblés, tels que la réduction des rides, la stimulation du collagène et l’amélioration de l’apparence de la peau. Ils sont également appréciés pour leurs propriétés, tels que l’acide salicylique pour son action anti-inflammatoire ou l’acide glycolique pour son action exfoliante.
Avec l’essor de la skinification capillaire, les actifs comme la niacinamide ou les peptides sont de plus en plus utilisés dans les soins capillaires, ce qui augmente la demande.
Aujourd’hui, de nombreuses entreprises européennes extraient des ingrédients actifs à partir de matières premières végétales, comme le groupe Berkem, qui a développé RECELLCL’IN® à partir de passiflore.
Les antioxydants comme la vitamine C, la vitamine E ou la niacinamide suscitent également de l’intérêt (31%). Ils sont très appréciés pour leurs nombreuses actions ciblées, notamment l’hydratation, la régénération cellulaire ou encore l’anti-âge.
L’anti-âge est une tendance phare, avec de nombreux acteurs de la cosmétique qui investissent dans ce segment, à l’exemple de LVMH Recherche qui utilise des technologies avancées pour découvrir des molécules anti-âge.
28% ont montré un intérêt pour les huiles et beurres végétaux. Ils sont au cœur des formulations pour leurs propriétés hydratantes et leur rôle émulsifiant dans les crèmes ou laits corporels.
L’huile d’olive, prisée pour ses vertus anti-âge et apaisantes, domine le marché, suivie de près par l’huile de tournesol et l’huile de carthame brute, dont la demande croît exponentiellement.
Le karité sous forme de beurre ou d’huile, s’impose comme un incontournable, apprécié pour son rapport qualité-prix et sa polyvalence (alternative au beurre de cacao).
Les huiles essentielles tirent parti de l’engouement pour les médecines alternatives, en particulier l’aromathérapie, qui alimente fortement la demande. Produites selon des normes éthiques strictes, elles représentent un marché prometteur pour les exportateurs, l’Europe important près de 50 % de ses stocks de pays en développement.
Certaines huiles essentielles, comme celles de rose ou de sauge sclarée, sont produites localement en Europe, notamment en Allemagne et en France. Les fournisseurs des pays en développement peuvent se démarquer en proposant des variétés rares ou exotiques, difficiles à cultiver en Europe. À l’exemple du yuzu, un agrume asiatique au parfum recherché, ou le nard, une plante himalayenne prisée pour ses vertus régénérantes. Ces huiles essentielles rares répondent à une demande croissante de niches premium en aromathérapie et cosmétique haut de gamme, offrant ainsi aux fournisseurs non européens un levier d’innovation et de différenciation.
Du côté européen, l’évolution des paysages agricoles, marquée par des pratiques durables et une diversification des cultures, crée de nouvelles opportunités. Cette transformation permet de répondre à la fois aux besoins des filières locales et à la demande croissante du marché européen.
Pour en savoir plus sur la demande européenne pour les ingrédients naturels, consultez le rapport ici.